Posted by laurentpailhes

Lo Pailhès : chronique de Rockin JL – Le Deblocnot’

Nos  quelques (millions de) fidèles lecteurs s’en souviennent peut être, nous avions déjà croisé la route de Lo Pailhes dans ces colonnes fin 2016 à l’occasion de la sortie d’un 6 titres (/lo-pailhes-surprise ), une chronique qui se concluait par la mention « à suivre ». Et justement ici nous aimons suivre les artistes que nous apprécions, c’est donc avec plaisir que nous le retrouvons avec cette fois carrément un 12 titres, dont il signe tous les textes, musiques  et arrangements, chante et tiens les guitares. Il est seulement accompagné d’une section rythmique composée de Vincent Ouriet (basse) et Jules Pelletier (batterie) et le tout est mis en boite par Alex Serieis (Studio Medusa Prod, Marseille).

Je vous parlais la semaine dernière du quimperois Dominique Le Bars et son « rock à textes » et voici un point commun à ces deux auteurs compositeurs : l’importance accordée aux paroles, plus dans le surréalisme et l’expérimental chez le breton, plus dans le coté raconteur d’histoires pour Pailhes mais dans les deux cas un vrai travail d’écriture et une intelligence qui condamne ces obsédés textuels à être bannis des plateaux télés et radios grands publics et à ne pas remplir Bercy de milliers de crétin(e)s décervelé(e)s  (et ça c’est plutôt  positif).

Mais trêve de digressions, revenons à nos moutons,ou plutôt des cochons Vietnamien, puisque le premier  titre nous envoie « à Phu Quoc », la plus grande ile du Vietnam, réputée pour sa sauce nuoc mâm. J’aime bien les  auteurs qui ont le don de vous faire voyager en quelques lignes et c’est le cas ici, les images sont fortes (Il y a quelque chose d’un autre voyageur friand d’Asie: le  Gerard Manset de « Royaume de Siam »), le chant parlé/chanté incantatoire avec une petite pointe d’accent du Sud, accompagné d’un  rock dépouillé et efficace.

Le voyage toujours avec « Le train »  (tiens encore un truc qui me fait penser à  Manset (« le train du soir », hasard ou coïncidence) , rupture et poésie sur le fil et métaphysique à grande vitesse (« la vitesse raccourcirait l’effet du temps/cela doit pouvoir se vérifier dans une des théories quantiques »).

Autre moyen de transport, le bateau, même si là le voyage se termine en naufrage et en procès, la faute à un « Capitaine » de pacotille, histoire inspirée du Titanic ou plus prés de nous sans doute du naufrage du Costa Concordia en 2012 (« tandis que le vaisseau flirte avec la roche d’une ile/ le capitaine jouit dans une maîtresse empruntée au hasard »).

Constat sombre sur la société mercantile dans  « Du nouveau » (« la disponibilité de mon cerveau est largement exploitée par les commerçants du monde entier qui veulent me piquer mon oseille »)  , et  conclue par un peu d’autodérision « j’abrège les souffrances d’une chanson trop longue à écouter et pourtant impossible à écouter ».

Voyages, migrations, transports encore « Ami » qui évoque les migrants et leurs désillusions « le malin rode et à défaut d’avoir pu faire chavirer ce semblant de navire il a installé des barbelés sur notre chemin » mais le plus beau texte est sans doute « Je ne pourrais pas vivre à Berlin Est » / j’aurai trop peur que du jour au lendemain qu’ils reconstruisent un mur/je devrai alors me salir les mains/ à creuser un tunnel improbable/ pour courber le sens du futur ».  Peut être là dedans un clin d’oeil à « Berlin » album mythique (1973) d’un certain Lou Reed, une des références et influence palpable de Pailhes… Pour moi la  chanson forte de l’album, et une guitare folk/ swing manouche / gypsy du meilleur effet, un tube en puissance (enfin si les programmateurs écoutaient des disques au lieu de passer bêtement ce que leur envoie les majors contre rétribution..).

Encore un super  texte que « Nos afriques » – le seul que ne signe pas Pailhes, il est de Pierre Michel – voyage en « des rades noirs où guettent des vampires/ et des cadavres fous qui s’ennuient de leur transes ».

Voila pour mes titres favoris, mais les autres aussi valent le détour, pour ce disque qui nous aura fait voyager, de l’Asie à l’Afrique en passant par Berlin, sans oublier les voyages intérieurs et imaginaires, avec des textes forts, poétiques et parfois hallucinés, au spleen Baudelairien et aux escapades Rimbaldiennes.

A découvrir d’urgence.

ROCKIN-JL
06/06/2019

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